
L-R & RadioMentale « I Could Never Make That Music Again », 2007, Album
décembre 5, 2008Pièce sonore, musicale et radiophonique
Label : Sub Rosa
Distribution : Orchestra International
Sortie : Juin 2007
Prix Qwartz 2008 pour les musiques électroniques, catégorie « Artistes de l’année ».
Listen : I Could Never Make That Music Again (track 1, 20mn)
Listen : Cool Noises (5mn05).
Album-chorale composé à partir de fragments d’interviews, création sonore dédiée à l’émotion de la voix, « I Could Never Make That Music Again » fait dialoguer des artistes, des musiciens, des DJs, des créateurs de sons, qui évoquent leur pratique, leurs prises de position, leurs moments de doute, leurs espoirs, leurs regrets… Si ces différentes personnalités ne se sont que rarement rencontrées, elles ont néanmoins écris ensemble, l’histoire de la musique électronique, depuis ses premières expérimentations dans les années 50, jusqu’aux derniers développements de l’avant-garde techno.
Les pionniers de la techno de Detroit, Derrick May ou Stacey Pullen, répondent ici à une lettre audio écrite en 1966 par Fred Judd à un Tom Dissevelt, au cœur des laboratoires d’expérimentation sonore des industries Philipps en Hollande, désespéré du manque de visibilité des musiques électroniques d’alors. En guise de réponse contemporaine, se suivent et se bousculent Steve Reich ou The Residents. DJ Shadow converse avec Coldcut, Rioji Ikeda avec Richie Hawtin. Autechre évoque la beauté des machines, A Guy Called Gerald la mystique cosmique du son, Aphex Twin le pouvoir des rêves ou Mad Mike d’Underground Resistance, la puissance du monde naturel.
Le musicien et auteur, David Toop, confesse son trouble face à la pléthore de sons disponibles et médiatisés ou enfin, Matthew Herbert s’amuse des bruits inopinés qui viennent enchanter son quotidien.
La musique qui vient ici accompagner, souligner, perturber ou enjoliver ce flux de paroles, est à l’image du monde sonore qui nous entoure. Fragment de tubes samplés, fréquences perturbées, sons du quotidien urbain, cliquetis de machines, dérapages des outils numériques, chants d’une nature exotique, dialoguent ainsi avec ces prises de parole polyphoniques.
Réalisé par Jean-Yves Leloup, Eric Pajot et Jean-Philippe Renoult, ce travail est d’abord basé sur un patient labeur de journaliste, qui, depuis la fin des années 80 et le début des années 90, s’est attaché à écrire l’histoire du genre électronique dans la presse écrite (Coda, Trax), l’édition (le livre « Global Tekno », co-signé par Leloup et Renoult, l’essai « Digital Magma » de Leloup), sans oublier le média radiophonique (Radio FG, station historique de la musique électronique en France, France Culture). Signe des temps, cette pratique journalistique s’est depuis quelques années doublée d’un travail de création sonore, démarré en 1992 pour RadioMentale (Leloup et Pajot), et en 2000 pour Renoult à l’issue de l’atelier radiophonique laboratoire « SonoTale » initialement crée sur les ondes de France Culture.
Cette double approche est ainsi à l’origine de cet album unique, qui possède peu d’équivalent sur la scène musicale. Archives historiques, documents journalistiques, pièces sonores et fragments musicaux se mêlent ici dans une forme hybride qui peut rappeler à certains les grandes heures de la création radiophonique (à la BBC, sur Radio France ou dans l’émission « RadioMentale » de Leloup et Pajot, lancée en 1992). Un genre de radio-art, mêlé de critique musicale et d’innovation sonore, qui remixe en un même élan toutes les idées nées de la révolution culturelle et technologique de la fin du XXe siècle.
LES TITRES
L-R : « I Could Never Make That Music Again », 20 :53
Créé à l’occasion de l’exposition et projet « Radiodays », organisé à la galerie De Appel d’Amsterdam en avril 2005, cette pièce sonore, à la fois vocale et musicale, est composée d’extrait d’interviews de nombreux compositeurs et musiciens électroniques, enregistrés par Jean-Yves Leloup et Jean-Philippe Renoult, ces quinze dernières années. En guise d’introduction, on peut y entendre une « lettre audio » envoyée en 1966 par Fred Judd, ingénieur du son pour l’atelier de création radiophonique de la BBC, au compositeur Tom Dissevelt, où le premier se montre particulièrement pessimiste quant à l’avenir de la musique électronique. En quelque sorte, « I Could Never Make That Music Again » peut être considérée comme une forme de réponse à ces interrogations soulevées à cette époque encore pionnière. Les musiciens que l’on peut entendre ici évoquent différentes questions liées à leur inspiration, leur histoire personnelle, leur rapport à la machine et aux technologies. Loin du strict format documentaire et radiophonique, L-R jouent ici sur les croisements, les rencontres fortuites et les collages inédits entre les voix, les mots et de nombreux fragments de musiques électroniques, issus des recherches des années 50 et 60 (laboratoires Philipps en Hollande, Groupe de Recherches Musicales à Paris, travaux pionniers de Joe Meek). Se croisent, se décroisent, se superposent et se répondent donc ici, les voix de (par ordre d’apparition) : Fred Judd, Derrick May, Stacey Pullen, Autechre, Simon Begg, Matmos, Alec Empire, A Guy Called Gerald, Mad Mike, Coldcut, Mixmaster Morris, Kid Koala, Steve Reich, Claude Lévêque, Rioji Ikeda, Richie Hawtin, Richard James, Thomas Brinkmann, Mantronix, Christian Fennesz, Squarepusher, The residents et Tony Morley.
RadioMentale : « Thousands of Records », 11:43
Cette pièce, composée à l’origine pour le projet artistique Audiolab, est basée sur un jeu d’opposition entre des sons naturels, enregistrés dans la jungle indienne et l’environnement urbain parisien, et la voix de l’auteur et musicien britannique, David Toop. Ses paroles, découpées en fragments, y témoignent du trouble du personnage, face à la multitude de disques et de sons désormais disponibles. Ses confessions révèlent un homme désorienté, préférant le silence et l’écoute attentive du monde environnant, à toutes autres formes de son ou de musique.
RadioMentale « Cool noises » 4:57
Pièce sonore basée autour de différentes interviews réalisées avec le musicien Matthew Herbert. Le Britannique évoque la gamme variée des sons qu’il utilise et leur origine, qu’il préfère souvent taire afin de laisser libre cours à l’imaginaire du spectateur. Mais « Cool Noises » est plus encore basée sur de nombreux petits événements audios (porte qui grince, klaxon de voitures, sonnerie de téléphone), venus parasiter le libre cours de l’interview, et offrant au musicien, l’occasion de disserter sur la question de notre quotidien sonore.
L-R vs RadioMentale : « Soulmates », 8:58
Basée sur une construction sonore en forme de « drones » polyphoniques, composée par Jopo Stereo, « Soulmates » ouvre un dialogue virtuel entre deux artistes, la DJ et musicienne britannique, Andrea Parker, et le producteur allemand, Pole. A l’époque, chacun d’eux a été interviewé à propos de sa pratique musicale respective. Mais la composition finale laisse plutôt imaginer une histoire intime et commune à ses deux personnages, qui semblent ici se souvenir de leur passé avec émotion. A notre connaissance, ces deux musiciens ne se sont pourtant jamais rencontrés.